Regard de psychiatre sur la fibromyalgie : quels symptômes et traitements ?
Selon l’Assurance Maladie, 1,5 à 2 % de la population en France souffrirait de fibromyalgie. Dr Gadenne, psychiatre au Centre Ambulatoire de Lyon, porte son regard de psychiatre sur ce syndrome de plus en plus courant, dont la causalité est encore méconnue, mais dont les retentissements peuvent être lourds au quotidien.
Qu’est-ce que la fibromyalgie ?
La fibromyalgie, ou syndrome fibromyalgique est un regroupement de plusieurs symptômes (douleurs diffuses, troubles du sommeil, fatigue intense, …) qui ont une répercussion fonctionnelle sur la qualité de vie du patient.
C’est seulement depuis 2006 qu’elle est reconnue comme maladie à part entière. Elle fait partie des douleurs chroniques dans la classification internationale des maladies (CIM-11).
Quels sont les premiers signes de la fibromyalgie et comment la détecte-t-on ?
De manière générale, les patients souffrent de douleurs chroniques, c’est-à-dire depuis plus de trois mois. Ces douleurs sont diffuses persistantes. On note également une sensibilité à la pression. Sont fréquemment associés : une fatigue importante, des troubles anxieux, des troubles dépressifs, des troubles du sommeil, parfois de l’anxiété sociale, un repli et un isolement à domicile causés par la douleur.
En tant que psychiatre, il ne relève pas de mes compétences de poser un diagnostic de fibromyalgie. J’interviens en deuxième ligne, une fois que le patient a vu le rhumatologue, qu’il a passé un examen clinique complet (examen biologique, imagerie si nécessaire) et que les autres pathologies rhumatologiques ont été écarté. Une fois toutes ces causes somatiques éliminées, le rhumatologue peut poser le diagnostic d’un syndrome fibromyalgique. C’est à ce moment-là du parcours de soin que nous intervenons.
Pourquoi les patients sont-ils adressés au Centre Ambulatoire de Lyon ?
Nous sommes identifiés dans la prise en charge et le traitement des douleurs chroniques par les médecins généralistes, les rhumatologues ou les kinésithérapeutes. Ils nous adressent leurs patients lorsqu’ils constatent une comorbidité psychiatrique associée, un retentissement sur le plan psychologique malgré les traitements antalgiques.
Quel est le traitement proposé au Centre Ambulatoire de Lyon ?
Nous proposons une prise en charge globale et de la psychoéducation sur les troubles douloureux. Nous donnons au patient des outils pour une meilleure compréhension de sa douleur, des mécanismes en place, nous lui montrons qu’il peut agir sur la douleur et la moduler grâce à différents outils. La prise d’autonomie ou le retour à l’autonomie sont essentiels.
Cela passe par une approche psychocorporelle, tels que de la psychomotricité, de la sophrologie, de l’hypnose, de l’eutonie ou de la stimulation magnétique transcrânienne répétitive (rTMS) qui peut fonctionner pour certains patients.
Nous proposons aussi des ateliers thérapeutiques autour de l’affirmation de soi : le patient souffre souvent d’anxiété sociale et d’une baisse de l’estime de soi. L’objectif est de les remettre dans la vie active en réactivant le lien social et en se décentrant de la douleur.
De plus, lorsque le patient souffre d’un syndrome fibromyalgique, il a tendance à rester dans une forme d’immobilisme avec un déconditionnement musculaire qui accroît les douleurs. Nous les encourageons à sortir de chez eux pour leur réapprendre à se remettre en mouvement, à se remotiver au sein d’un groupe bienveillant pour palier l’isolement, partager leur expérience et leur m’agite prendre conscience qu’ils ne sont pas seuls dans cette situation.
Chaque parcours de soins est unique et personnalisé en fonction des besoins thérapeutiques du patient, de l’impact de sa pathologie sur sa qualité de vie en général et de ses comorbidités psychiatriques. Nous le définissons ensemble, avec le patient, lors d’un entretien individuel. Selon sa symptomatologie clinique, sa reconnaissance de sa maladie et sa capacité à intégrer un groupe, nous adaptons les outils thérapeutiques proposés.
Les résultats sont-ils visibles ?
Oui, les patients qui terminent leur cycle de prise en charge bénéficie d’une meilleure qualité de vie. Le groupe s’inspire beaucoup des outils de thérapie cognitivo-comportementales. On leur réapprend à mettre des choses en mouvement, à sortir des pensées dysfonctionnelles ou automatiques du type « Je ne peux plus sortir, sinon je vais avoir mal » et qui les paralysent. En restant bloqués à domicile, le vécu douloureux est majoré.
Au fur et à mesure de l’avancée dans les soins, ils se remettent à faire des choses qu’ils ne faisaient plus, ils reprennent contact avec la vie tout simplement. Il n’y a pas systématiquement d’amélioration sur l’intensité de la douleur mais ce n’est plus au centre de tout. Les patients ne sont plus réduits à l’état de sujet douloureux.
Combien de temps dure la prise en charge ?
La prise en soins dure en moyenne 9 à 12 mois. Les patients vivent avec des douleurs depuis plusieurs années et ils ont déjà essayé plusieurs traitements médicaux, paramédicaux voire de médecine parallèle. Ils perdent espoir, sont démoralisés et pensent qu’ils sont incurables.
Le processus prend du temps : nous prenons en charge le corps douloureux et la souffrance psychologique associée, l’histoire de la personne, son ou ses psychotraumastimes.
Nous rentrons dans une compréhension plus fine de la douleur et de son rôle et on ne la voit plus uniquement dans sa dimension hostile/négative Les patients évoluent avec des petits objectifs dans une approche motivationnelle et comportementale.
Zoom sur le psychotraumatisme et le syndrome fibromyalgique
Dans la littérature scientifique, il est repéré une forte association entre syndrome fibromyalgique et psychotraumatisme. On retrouve fréquemment dans l’enfance du patient, des faits de maltraitance, d’abus ou de négligences mais ce n’est pas une généralité.
Il existe une hypothèse assez forte sur la possibilité que des traumatismes de l’enfance pourraient se réactiver à l’âge adulte suite à un nouveau vécu traumatique. En réactivant ces souvenirs douloureux, ils se manifesteraient d’un point de vue physique en lien (entre autres) avec une dysrégulation émotionnelle, des difficultés socioculturelles à reconnaître et accepter la douleur psychique. Il s’agit finalement d’un mécanisme adaptatif qu’il faut traiter en tant que tel. Je trouve cette théorie régulièrement validée chez les patients que nous prenons en charge dans le centre.