Comprendre le burn-out, ou syndrome d’épuisement professionnel
Le syndrome d’épuisement professionnel correspond à un état d’épuisement physique, émotionnel et mental intense. Ce syndrome se déclare après un investissement prolongé dans des situations professionnelles stressantes et exigeantes.
Précision de notre expert :
Le Dr Stéphane Mouchabac, psychiatre au sein de l’hôpital Saint-Antoine, à Paris, souligne que cette définition n’est pas unique. Le burn-out revêt en effet des aspects multiples, qui rendent difficile l’établissement d’une définition opérante, convaincante et consensuelle. Cet état complique, de fait, la recherche autour du syndrome.
Progressivement, l’individu qui souffre au travail, entre dans un processus négatif qui se manifeste à travers trois dimensions :
- L’épuisement émotionnel. L’individu se sent complètement vidé de ses ressources. La fatigue est extrême et devient chronique. Les soirées, les nuits et les week-ends ne suffisent plus pour atténuer cette grande fatigue.
- Le cynisme. L’individu manque d’empathie, devient négatif, distant, voire agressif vis-à-vis de son travail et des personnes qui l’entourent (collègues, direction, clients…). Il se désengage progressivement de son travail, de son entreprise et des autres.
- Le sentiment de non-accomplissement personnel au travail. L’individu se dévalorise et pense ne pas être à la hauteur. Il ne sent pas efficace dans son travail et le devient.
Il convient de noter que les dimensions citées ci-dessus sont issues de l’analyse factorielle du test d’inventaire de burn-out de Maslach et Jackson. Il s’agit d’un des principaux modèles descriptifs du burn-out, auquel il ne faut toutefois pas se limiter.
Quelles sont les causes du burn-out ?
Le Dr Conan explique que les principales causes du burn-out sont liées aux conditions de travail :
- surcharge de travail, pression temporelle ;
- missions et objectifs mal définis et/ou irréalistes ;
- objectifs à atteindre élevés, mais peu de moyens pour y parvenir ;
- faible contrôle sur son travail ;
- faibles récompenses pour le travail fourni ;
- manque d’équité ;
- peur de perdre son emploi.
Parole d’expert :
Le Dr Mouchabac explique que plusieurs modèles permettent de schématiser les facteurs contribuant à la survenue du burn-out. Il cite notamment le modèle de Karasek, qui est dimensionnel et permet une représentation graphique utile du syndrome. Celui-ci fournit les expositions moyennes à trois facteurs : la demande psychologique, la latitude décisionnelle et le soutien social, ainsi que la prévalence de job strain (combinaison d’une forte demande et d’une faible latitude). On le nomme plus communément le modèle « Demande-Autonomie ».
Un autre modèle peut également être évoqué : l’inadéquation « Effort-Reconnaissance » du modèle de Siegrist. Celui-ci prend la forme d’une balance mettant à l’équilibre les efforts fournis par l’employé (charge mentale, exigences et obligations) et son niveau de reconnaissance (salaire, estime, sécurité de l’emploi). Si la reconnaissance accordée ne suffit plus à compenser les efforts à fournir, une situation de mal-être peut alors survenir.
De nombreux métiers demandent aujourd’hui un investissement personnel et affectif important, s’accompagnant d’une charge de travail accrue, ce qui augmente les risques d’apparition de ce syndrome d’épuisement.
Le fonctionnement propre de l’individu entre également en ligne de compte. Les personnes très impliquées dans leur travail, qui accordent beaucoup d’importance à leur métier ou qui le considèrent comme une passion, sont généralement davantage concernées par le risque de burn-out.
Par ailleurs, des antécédents dépressifs et certains traits de personnalité pouvant limiter les capacités d’adaptation de l’individu sont également des facteurs favorisants.
Enfin, les individus exerçant des métiers dans le domaine de l’aide et du soin (médecins, infirmiers, aides-soignants, travailleurs sociaux, enseignants…) source d’une importante charge émotionnelle (confrontation à la souffrance, à la mort…) peuvent être davantage susceptibles de faire un burn-out.
Le Dr Conan ajoute que tout est une question d’accumulation de ces différents facteurs. C’est une spirale qui s’enclenche progressivement et qui aboutit à l’épuisement.
Personnelles | Professionnelles |
Vulnérabilité biologique Traits de personnalité |
Charge de travail Support social Équité Sentiment de contrôle sur le travail |
Quels sont les symptômes du burn-out ?
Le burn-out peut se traduire par diverses manifestations plus ou moins importantes, en apparence bénignes, qui masquent au début la gravité réelle. Voici les manifestations qui peuvent présager un burn-out :
- Émotionnelles : stress, anxiété, baisse du moral, irritabilité, hypersensibilité ou au contraire absence d’émotion.
- Cognitives : troubles de la mémoire et de l’attention, difficultés de concentration, troubles des fonctions exécutives.
- Comportementales : repli sur soi, isolement, agressivité, diminution de l’empathie, ressentiment et hostilité à l’égard des collaborateurs, perte de motivation et d’élan, doutes sur ses propres compétences, baisse de l’estime de soi.
- Physiques : troubles du sommeil, perte de l’appétit, troubles gastro-intestinaux, troubles alimentaires, mal de dos, crampes, maux de tête, vertiges, tremblements…
Le Dr Conan mentionne le fait que les symptômes physiques peuvent apparaître de manière très brutale, comme un effondrement de l’individu.
Comment poser le diagnostic du burn-out ?
Il est essentiel de détecter l’apparition d’un syndrome d’épuisement professionnel au plus tôt afin de maximiser les chances de guérison. Toutefois, le diagnostic de burn-out peut être difficile à poser, car les symptômes qui le caractérisent sont variables d’un individu à un autre, peu spécifiques et s’installent progressivement.
Parole d’expert :
D’après le Dr Mouchabac, du fait de la définition critiquable du burn-out et que les symptômes dépressifs sont plus fortement associés au burn-out que la dépersonnalisation et le faible niveau d’épanouissement personnel, le diagnostic différentiel avec la dépression peut être parfois compliqué à poser. En effet, certaines dimensions symptomatiques sont communes aux deux : on retrouve notamment des éléments de vulnérabilité biologique communs. De plus, le lien avec une cause professionnelle systématique ne permet pas une discrimination nosographique, c’est-à-dire de déterminer une catégorie diagnostique valide.
C’est souvent le médecin généraliste qui pose en premier le diagnostic. Le patient se rend chez son médecin car il ressent des symptômes physiques : insomnies, mal de dos, grande fatigue, troubles intestinaux… Le professionnel de santé réalise dans un premier temps un bilan afin de rechercher une pathologie organique pouvant être la cause de ces symptômes.
Puis, le médecin cherche les facteurs de risques d’un burn-out. Il va interroger le patient sur son métier et sur le contexte dans lequel il travaille. Il va s’intéresser à son fonctionnement et à son rapport au travail. Il pourra également l’interroger sur ses antécédents personnels et familiaux, sur les événements de vie auxquels il a pu être confronté…
Le médecin évalue également les troubles psychologiques sous-jacents : un trouble de l’adaptation, un trouble anxieux, un trouble dépressif ou un état de stress post-traumatique.
Parole d’expert :
Le Dr Mouchabac rappelle que plusieurs instruments de mesure permettent d’établir le diagnostic du burn-out et d’évaluer l’intensité des symptômes.
Le plus connu et utilisé est le Maslach Burnout Inventory, qui explore trois dimensions évoquées précédemment : l’épuisement émotionnel, la dépersonnalisation (déshumanisation, ou cynisme), et le sentiment d’accomplissement personnel. Il est cependant critiqué par certains auteurs pour ses qualités dites « psychométriques ».
Le Copenhagen Burnout Inventory (CBI) de Kristensen explore, lui aussi, trois dimensions : le burn-out personnel (niveau de fatigue et d’épuisement physique et psychologique ressenti par la personne), le burn-out lié au travail (niveau de fatigue et d’épuisement physique et psychologique que l’individu associe à son travail) et le burn-out lié à l’usager, qui correspond au niveau de fatigue physique et psychologique relié au travail avec les usagers par l’individu.
Le Shirom-Melamed Burnout Measure, traduit en français en 2010, repose quant à lui sur une théorie dite de la « préservation des ressources ». Il explore trois dimensions : la fatigue physique, l’épuisement émotionnel et la lassitude cognitive.
Comment guérir le burn-out ?
La prise en charge du patient débute par un arrêt de travail. Selon l’état d’épuisement de l’individu et la sévérité de ses symptômes, cet arrêt peut être plus ou moins long. L’objectif est de permettre à l’individu de se reposer et de faire le point sur son état.
Si un traitement médicamenteux n’est pas systématique, un accompagnement par un psychothérapeute est souvent nécessaire.
Le Dr Conan insiste sur le fait que pour sortir d’un burn-out, le temps est essentiel. Il faut accepter que la guérison prenne du temps.
Enfin, lorsque le salarié est prêt à retourner au travail, l’analyse du poste et des conditions de travail est indispensable. Il convient d’être accompagné afin d’établir des mesures adaptées. Le rôle du médecin du travail est alors prépondérant.
Quels sont les traitements du burn-out ?
Pour faire face à cette période de surmenage intense, il existe des solutions, qu’elles soient médicamenteuses ou psychologiques.
Les traitements médicamenteux
En cas de signes de dépression ou de trouble anxieux associés au burn-out, un traitement à base d’antidépresseurs peut être prescrit temporairement, mais toujours associé à une psychothérapie.
Les thérapies
Pour accompagner le patient dans son processus de guérison, les interventions psychothérapeutiques ou psychocorporelles sont essentielles. Elles peuvent prendre plusieurs formes :
- La thérapie de soutien vise à apprendre à l’individu à mieux se connaître, à identifier ses limites, sa valeur, mais aussi à définir sa vision du travail et à faire le point sur ses choix professionnels.
- La thérapie comportementale et cognitive permet d’identifier les conflits personnels inconscients ayant mené la personne à l’épuisement professionnel, puis à modifier progressivement ces comportements.
- L’hypnose peut permettre de réduire les symptômes anxieux et de retrouver une certaine sérénité.
- L’EMDR, une technique qui consiste à désensibiliser l’individu de son événement traumatisant par des mouvements oculaires, est parfois proposée.
Le programme « Rebonds » Inicea
Plusieurs établissements de santé Inicea ont mis en place un programme appelé « Rebonds », d’une durée de 10 semaines, pour accompagner les personnes en situation d’épuisement professionnel.
Le Dr Conan, qui s’occupe de ce programme à la Clinique du Val Josselin, explique qu’une prise en charge pluridisciplinaire est proposée aux patients, en individuel et en petits groupes. Au programme : des ateliers thérapeutiques, des groupes de parole, du sport…
Le programme « Rebonds » repose sur l’entraide. L’objectif de cet accompagnement est de faire comprendre aux personnes qui rejoignent le programme qu’elles ne sont pas seules dans cette situation et de les aider à retrouver progressivement une meilleure estime d’elles-mêmes.
Quelles sont les conséquences du burn-out ?
Vivre un burn-out est une épreuve extrêmement difficile. Cette fatigue intense et chronique et toutes les manifestations émotionnelles, cognitives, comportementales et physiques qui l’accompagnent impactent la vie professionnelle, familiale et sociale de l’individu.
Toutefois, le Dr Conan rappelle que cet épisode d’épuisement est temporaire. Le bon diagnostic et une prise en charge personnalisée limitent le plus souvent les séquelles et les risques de récidives.
D’un point de vue positif, les personnes qui traversent cette épreuve et qui bénéficient d’un accompagnement adapté acquièrent le plus souvent une meilleure connaissance d’elles-mêmes, de leurs valeurs et de leurs attentes. La thérapie leur permet d’apprendre à poser des limites et de les poser plus tôt, sans attendre d’arriver jusqu’à l’épuisement.
Cette prise de recul nécessaire leur permet également de réévaluer la place du travail dans leur vie, de comprendre ce qui est acceptable ou pas, et peut-être d’envisager leur vie professionnelle sous un autre angle. Très souvent, après un syndrome d’épuisement professionnel, les individus choisissent de changer complètement de travail pour poursuivre sur voie plus en accord avec leurs valeurs profondes.
Le burn-out peut-il être pris en charge par la Sécurité sociale ?
Actuellement, le burn-out ne figure pas dans le tableau officiel qui répertorie les maladies professionnelles. Il n’est donc pas pris en charge par la Sécurité sociale.
Néanmoins, selon l’article L461-1 du code de la Sécurité sociale, il est possible de faire reconnaître le burn-out en tant que maladie professionnelle auprès de la CPAM, sous certaines conditions.
Pour cela, le salarié doit être en mesure de prouver le lien entre son état de surmenage et ses conditions de travail. Il doit également démontrer que les conséquences de son état ont entraîné une incapacité permanente partielle de travail d’au moins 25 %.