Définition : qu’est-ce que l’alcoolisme ?
L’alcoolisme, également appelé alcoolodépendance ou encore trouble de l’usage de l’alcool, est une addiction qui se caractérise par la consommation excessive, répétée et incontrôlée de boissons alcoolisées plus ou moins fortes. L’alcoolisme est une maladie qui touche le circuit neurobiologique de la récompense au niveau du cerveau.
Plus l’alcool est consommé en grande quantité et/ou fréquemment, plus le cerveau s’habitue et augmente son seuil de tolérance. Lorsqu’il s’installe dans l’alcoolisme, l’individu doit alors augmenter sa consommation pour en ressentir les effets positifs et ne pas ressentir de manque. Peu à peu, il se retrouve dans l’incapacité de se passer de cette substance psychotrope qu’est l’alcool, il perd toute liberté et la dépendance s’installe.
L’alcoolisme est une maladie multidimensionnelle, définie par l’interaction entre trois entités :
- une substance psychotrope, l’alcool ;
- un individu qui présente des facteurs de vulnérabilité personnels, dont psychologiques ;
- un contexte qui favorise la consommation d’alcool.
L’abus d’alcool
La prise d’alcool peut prendre différentes formes en fonction du rythme de consommation et de la quantité d’alcool ingérée. On parle d’abus d’alcool lorsque la consommation d’un individu impacte de manière négative sa santé, sa vie sociale, professionnelle et affective.
Pour évaluer l’abus d’alcool, les professionnels de santé se réfèrent à la pyramide du risque de Skinner :
- 1er stade : non-usage. Aucune consommation d’alcool et donc aucun risque.
- 2e stade : usage. Consommation d’alcool épisodique et raisonnée dans un contexte social et festif. Risques faibles pour le consommateur.
- 3e stade : usage à risque. Consommation d’alcool importante qui entraine une désinhibition et des pratiques à risque, comme la conduite d’un véhicule sous l’emprise de l’alcool ou encore des rapports sexuels non protégés.
- 4e stade : usage nocif. Consommation d’alcool importante et régulière qui engendre des conséquences néfastes, comme l’apparition de maladies, des accidents de voiture, des violences conjugales et des agressions.
- 5e stade : alcoolisme. L’individu ne peut plus se passer d’alcool. Lors de l’arrêt de la consommation, des symptômes de sevrage apparaissent (anxiété, agitation, irritabilité, insomnie, sueurs, tremblements, palpitations, nausées, etc.).
Le binge drinking
Le binge drinking est un terme anglo-saxon qui signifie « alcoolisation ponctuelle importante » (API). Il s’agit d’une pratique qui consiste à consommer de l’alcool en très grande quantité, généralement en groupe. L’objectif reconnu de cette pratique est d’atteindre l’ivresse le plus rapidement possible. Certains boivent jusqu’au coma éthylique.
Selon la Haute autorité de santé (HAS), le binge drinking peut être défini comme la consommation d’au moins 6 verres d’alcool (soit 60 g d’alcool pur) en un minimum de temps (moins de 2 heures). Le binge drinking est particulièrement fréquent chez les adolescents et les jeunes adultes (15-25 ans).
Or, cette consommation excessive d’alcool, même occasionnelle, peut entraîner des dommages permanents pour le cerveau. En particulier chez les jeunes. Sur le long terme, la pratique du binge drinking augmente le risque d’alcoolisme et l’apparition de certaines maladies graves : hépatites, cirrhose, cancers, neuropathies périphériques, troubles cognitifs, dépression, etc.
Quels sont les symptômes de l’alcoolisme ?
Les symptômes de l’alcoolisme ou de l’alcoolodépendance sont nombreux : envie de boire de l’alcool de manière compulsive et irrépressible (craving), consommation régulière et/ou en grande quantité, obsession pour cette activité, perte de contrôle… Voici comment les identifier.
Critères de diagnostics de l’alcoolisme
Le diagnostic d’un comportement addictif comme l’alcoolisme repose sur des critères internationaux bien définis : les critères de Goodman. Une personne est considérée alcoolique lorsqu’elle a eu un usage de l’alcool inadapté au cours des 12 derniers mois et qu’elle est concernée par au moins 2 des 11 critères suivants :
- besoin impérieux et irrépressible de consommer des boissons alcoolisées ;
- usage répété de la substance dans des situations à risque (rapport sexuel, conduite automobile, etc.) ;
- consommation continue malgré la connaissance des conséquences de son utilisation ;
- incapacité à réduire et contrôler sa consommation d’alcool ;
- consommation en quantité de plus en plus importante sur de longues périodes (3 mois, 6 mois…) ;
- temps consacré à la recherche et à la consommation de boissons alcoolisées de plus en plus important ;
- maintien de la consommation d’alcool malgré les effets négatifs qui apparaissent ;
- augmentation de la tolérance à l’alcool (l’organisme s’habitue à la substance et à ses effets, l’individu doit donc accroître les quantités pour obtenir les mêmes effets) ;
- apparition du syndrome de sevrage à l’arrêt de la consommation (tremblements, sueurs, perte de connaissance, palpitations, crise d’épilepsie…) ;
- diminution du temps consacré à des activités de loisirs ;
- incapacité à remplir ses obligations familiales, sociales et professionnelles.
L’alcoolisme ne se résume donc pas au fait de présenter des symptômes de manque (sueurs, tremblement, anxiété) à l’arrêt de l’alcool et au fait de boire tous les jours. L’alcoolisme peut exister chez une personne pourtant capable de ne pas consommer pendant plusieurs jours.
L’intensité de l’alcoolisme du patient sera définie par le nombre de critères par lesquels il est concerné :
- Légère : 2 à 3 critères.
- Modérée : 4 à 5 critères.
- Sévère: 6 critères et plus.
Comment évaluer sa consommation d’alcool ?
Pour évaluer sa propre consommation d’alcool et savoir si l’on souffre d’alcoolisme, il faut d’abord se fier aux recommandations officielles. Des experts de Santé publique France et de l’Institut national du cancer ont proposé une valeur repère unique qui concerne aussi bien les hommes que les femmes.
Cette recommandation à ne pas dépasser pour limiter les risques liés à l’alcool est exprimée sous la forme d’un nombre de verres d’alcool standards. Chez un adulte, elle a été établie à 10 verres d’alcool standards par semaine, sans dépasser 2 verres standards par jour. Les experts recommandent également des jours dans la semaine sans consommation d’alcool.
Un verre d’alcool standard contient environ 10 g d’alcool pur. C’est généralement la quantité que l’on retrouve dans un verre de bière (25 cl), de whisky (3 cl), de vin (10 cl) ou encore de vodka orange (2,5 cl de vodka), tel qu’on le sert dans les bars.
On peut également évaluer sa consommation d’alcool en fonction des remarques et réactions de son entourage. Si vos amis ou des membres de votre famille vous font remarquer que votre comportement n’est plus le même et que vous devriez boire moins d’alcool, il peut être opportun de réduire votre consommation.
D’autres moyens existent pour faire le point sur sa consommation d’alcool, comme des tests en ligne :
- le questionnaire FACE repose sur l’analyse des consommations d’alcool sur les douze derniers mois ;
- le test AUDIT est le questionnaire de référence pour évaluer sa consommation de boissons alcoolisées.
Enfin, pour contrôler sa consommation d’alcool à un instant T, comme avant de prendre la route à la suite d’un dîner ou d’une soirée, les éthylotests permettent d’évaluer le taux d’alcool dans l’air expiré.
Reconnaître la dépendance à l’alcool chez un proche
Vous vous demandez si l’un de vos proches a un problème préoccupant avec l’alcool et s’il souffre d’alcoolisme ? Plusieurs signes peuvent vous alerter :
- une consommation d’alcool de plus en plus fréquente ;
- un changement d’humeur ou de comportement tel que de l’agressivité, de l’anxiété, de la tristesse ou encore un repli sur soi ;
- des modifications de son rythme de vie, de son appétit, de son sommeil ;
- des difficultés relationnelles de plus en plus nombreuses ;
- des conduites à risque sous l’effet de l’alcool ;
- des pertes d’équilibre et des chutes ;
- des bouteilles cachées dans différentes pièces de la maison…
En cas de doute, la meilleure chose à faire est d’alerter la personne, d’ouvrir le dialogue et de l’orienter si possible vers un professionnel de santé : médecin généraliste, psychiatre, addictologue…
Comprendre les causes de l’alcoolisme
Tout le monde n’est pas égal face à l’alcool et les causes de l’alcoolisme peuvent être nombreuses.
Des facteurs liés à l’âge
Plus un individu commence jeune à consommer de l’alcool et plus sa consommation est importante, plus il sera vulnérable face à l’alcoolisme.
Des facteurs génétiques
L’hérédité pourrait être un facteur important de prédisposition à l’alcoolisme, bien qu’aucun gène n’ait été identifié précisément.
Des facteurs personnels
L’impulsivité, les problèmes d’estime de soi, de confiance en soi ou encore de timidité peuvent en partie expliquer un trouble alcoolique.
Des facteurs contextuels
Des problèmes sexuels, de couple ou encore au travail sont susceptibles d’induire une addiction à l’alcool. Par ailleurs, le contexte dans lequel une personne grandit joue un grand rôle dans le développement de l’alcoolisme. Les risques de devenir alcoolodépendant augmentent de façon importante chez les familles dont des membres souffrent d’alcoolisme.
Des troubles psychiques
Les personnes qui souffrent de troubles psychotiques, de troubles de l’humeur, de troubles anxieux ou de troubles de la personnalité sont particulièrement vulnérables.
Des facteurs socio-culturels
Dans notre société, consommer de l’alcool est synonyme de plaisir, de détente et de fête. Les occasions pour en consommer sont nombreuses : le week-end, après le travail, un anniversaire… Dès l’adolescence, la consommation d’alcool peut aussi commencer pour favoriser l’intégration.
Conséquences de l’alcoolisme et risques pour la santé
Toute consommation d’alcool, quelle qu’elle soit, présente un risque pour la santé. Dans un premier temps, l’alcool peut être à l’origine d’une fatigue, d’une tension artérielle élevée, de troubles du sommeil, de problèmes de mémoire ou de concentration. À long terme, les conséquences de la consommation régulière d’alcool réduisent l’espérance de vie de plusieurs années.
L’alcoolisme joue un rôle dans la survenue de multiples cancers (foie, sein, colon, rectum, œsophage, bouche, pharynx, larynx, etc.). En outre, les effets de l’alcool sont multipliés lorsque la consommation est associée au tabac. Les risques de cancers des voies aérodigestives augmentent particulièrement.
La prise d’alcool multiplie également les risques de :
- maladies cardiovasculaires (AVC, myocardiopathie alcoolique, hypertension artérielle…) ;
- maladies du foie et du tube digestif (stéatose, pancréatite, hépatite aiguë…) ;
- maladies neurologiques et troubles mentaux (épilepsie, dépression, troubles cognitifs…) ;
- maladies métaboliques (ostéoporose, hypoglycémie, goutte…).
Enfin, consommer de l’alcool pendant la grossesse présente un risque pour le fœtus. Les effets peuvent être irréversibles sur l’enfant à naître (retard de croissance, atteintes du système nerveux central, malformations…), dont le syndrome d’alcoolisation fœtale qui est la forme la plus grave.
La prise en charge de l’alcoolisme
Quand consulter ?
Il n’y a pas de moment clé pour consulter si l’on souffre d’alcoolisme. Cela peut intervenir dès que l’on en ressent le besoin. Toutefois, il faut particulièrement s’inquiéter lorsque l’on perd le contrôle des consommations. Dans ce cas, il ne faut pas hésiter à en parler autour de soi et à demander l’aide d’un professionnel de santé.
Le sevrage alcoolique
Ce qui conditionne la réussite du sevrage est la prise de conscience de la personne et sa motivation à arrêter de boire. L’objectif du sevrage est l’arrêt de l’alcool. Il doit être programmé et se faire de manière progressive, car l’arrêt brutal de la consommation d’alcool peut avoir de graves conséquences.
Il est recommandé d’effectuer le sevrage sous surveillance médicale et/ou associé à un traitement médicamenteux lorsqu’il y a des signes de sevrage (tremblements, transpiration, anxiété et nervosité, angoisse, insomnie, vomissements…). Le sevrage de l’alcoolisme peut se faire en ambulatoire avec des consultations régulières, ou en hospitalisation complète selon la situation de la personne (précarité sociale et/ou économique), lorsqu’il y a des signes de sevrage importants ou qu’il y a déjà eu plusieurs rechutes. Le sevrage est une étape qui permet d’amorcer une réflexion autour du maintien de l’abstinence.
Prise en charge médicamenteuse et psychothérapie
Dans la prévention des complications liées au sevrage de l’alcool, des médicaments peuvent être prescrits, comme un traitement par benzodiazépines de courte durée. Toutefois, ces médicaments nécessitent une surveillance rapprochée.
Pour tous les symptômes liés à la période de sevrage de l’alcoolisme, des traitements symptomatiques peuvent être mis en place : antispasmodiques, antidiarrhéiques, ou encore antalgiques. Par ailleurs, la consommation régulière d’alcool entraîne des carences vitaminiques (B1, PP (B3), B6, B12), c’est pourquoi une cure sera instaurée en phase initiale de sevrage.
La prise en charge de l’alcoolisme se fait à plusieurs niveaux. Dès que le consommateur d’alcool est motivé et d’accord pour entrer dans un processus de sevrage, il sera également accompagné sur le plan psychologique pour travailler sur l’origine de la prise d’alcool. La mise en place d’une thérapie cognitivo-comportementale (TCC) fonctionne bien dans la prise en charge de l’alcoolisme. D’autres approches systémiques et/ou analytiques sont également possibles.
L’accompagnement de l’alcoolisme en hôpital de jour
La prise en charge de l’alcoolisme en hôpital de jour permet aux patients de bénéficier d’un accompagnement multidimensionnel encadré par une équipe pluridisciplinaire. Des consultations de suivi réalisées par un médecin généraliste, un addictologue ou un médecin psychiatre leur sont proposées.
De la même manière qu’est traitée la toxicomanie, les patients peuvent participer à des ateliers thérapeutiques, individuels ou en groupe, dédiés aux problématiques liées à l’alcoolisme et aux risques de rechute, ainsi qu’à des ateliers sur l’estime et la confiance en soi.