Symptômes, indices évocateurs, signes cliniques et critères diagnostics : découvrez les explications du Professeur Florian Ferreri, membre du comité scientifique Inicea pour mieux connaître le trouble bipolaire, et comprendre la souffrance extrême vécue par la personne concernée et son entourage. S’informer sur la pathologie, c’est un pas de plus vers le processus de rétablissement.
Sommaire
Qu’est-ce que le trouble bipolaire ?
Le trouble bipolaire est un trouble de l’humeur caractérisé par l’alternance d’épisodes dépressifs et d’épisodes maniaques ou hypomaniaques. Il s’agit d’une maladie multifactorielle associant des facteurs de vulnérabilité génétique et des facteurs environnementaux. La prévalence du trouble en population générale est estimée à 2%.
Quels sont les symptômes du trouble bipolaire ?
Le trouble bipolaire se caractérise par l’alternance d’épisodes maniaques et d’épisode dépressifs. On décrit plusieurs types de troubles bipolaires en fonction de l’intensité de la phase manique. Ainsi le trouble bipolaire de Type I est défini par la survenu d’au moins un épisode maniaque et le trouble bipolaire de Type II par la survenu d’au moins un épisode hypomaniaque et d’épisodes dépressifs caractérisés.
La dépression (polarité dépressive)
La dépression est une baisse progressive et extrême de l’humeur, vers le désintérêt, la perte de plaisir, le pessimisme, les idées mortifères aggravées par le ralentissement intellectuel et physique. La dépression échappe au contrôle du sujet. Elle est souffrance de soi et de son entourage. Il s’agit d’une perte de l’élan vital en rupture du sujet avec lui-même, avec autrui, avec le monde. Elle est fréquente et ses expressions sont diverses (cf chapitre dépression). Il existe de nombreuses formes cliniques de dépression. Devant un épisode dépressif la recherche d’un trouble bipolaire sous-jacent doit être systématique. Il n’existe pas de signe spécifique d’une dépression bipolaire cependant un ralentissement important associé à un retrait social, la présence de caractéristiques atypiques (hypersomnie, hyperphagie, prise de poids), des idées délirantes (caractéristiques psychotiques) sont des signes évocateurs.
Quels sont les indices évocateurs du trouble bipolaire ?
- Antécédent personnel d’accès maniaque ou hypomaniaque
- Antécédent familial de trouble bipolaire
- Dépression du post partum
- Tempérament hyperthymique
- Hyper-réactivité aux antidépresseurs
- Consommations paroxystiques d’alcool u de psychostimulants
L’accès maniaque (polarité maniaque)
Le syndrome maniaque typique correspond au « pôle opposé » de l’épisode dépressif. Trois dimensions symptomatiques dominent le tableau : l’humeur exaltée, une activation psychomotrice et un retentissement somatique
L’humeur est exaltée, expansive, euphorique. Il existe un sentiment de bien-être inébranlable s’exprimant par des attitudes démonstratives désinhibées, la tenue vestimentaire est alors contrastée et peut-être inadaptée à la météo. Les mimiques expriment la joie, le ton est enjoué, hypersyntone. L’hyperactivité est incessante, l’impression de pouvoir mener des projets démesurés y compris en dehors de son champ de compétence est classique avec le risque d’investissements hasardeux. La joie cède parfois la place à une irritabilité voire une agressivité. La personne est versatile, labile émotionnellement. Elle passe alors du rire aux larmes, du contentement à la colère. Les activités quotidiennes s’orientent vers les loisirs et les situations plaisantes.
L’accélération psychomotrice se caractérise au niveau psychique par une tachypsychie (accélération des penées) associée à un débit verbal accéléré (logorrhée). Les sujets se bousculent, le discours est difficile à suivre en raison de nombreux coq à l’âne et d’une fuite des idées. La vivacité d’esprit s’exprime par un ludisme, des jeux de mots. Le ton et les propos sont sans filtre avec souvent une familiarité problématique notamment en cas de connotation sexuelle. D’un point de vu moteur, la désinhibition instinctivo comportementale domine le tableau. L’hyperactivité se manifeste par une instabilité motrice. La personne maniaque déambule sans cesse dans une agitation improductive. La mimique est excessive. L’énergie inépuisable.
Les aspects physiques traduisent une perturbation de la vie instinctuelle. La diminution du besoin de sommeil est habituelle pouvant aller jusqu’à une insomnie totale. Cette insomnie est classiquement sans fatigue et peut entretenir l’épisode maniaque. La désinhibition est également sexuelle avec une libido augmentée entrainant une hypersexualité. Les rapports peuvent être imprudents, dans l’excès de confiance, avec un risque significatif de contracter des maladies sexuellement transmissibles. Les prises alimentaires sont anarchiques avec des consommations d’alcool et d’autres substances psychostimulantes.
Humeur exaltée
- jovialité, gaîté, euphorie inébranlable
- humeur versatile, irritabilité, passage du rire au larme
- hyperesthésie affective
- vision positive de soi
Accélération psychomotrice
- tachypsychie, fuite des idées, hypermnésie
- tachyphémie, logorrhée, jeux de mots
- idées mégalomaniaques, dépenses inconsidérées
- familiarité de contact, tenue débraillée, visage expressif, hyperactivité motrice désordonnée
Signes somatiques associés
- insomnie SANS fatigue
- hyperphagie
- libido augmentée, conduites sexuelles à risque
- alcoolisation, psychostimulants (cocaïne…)
L’hypomanie
Il s’agit d’une forme atténuée de la manie qui le plus souvent n’entrave pas le maintien de l’insertion socioprofessionnelle lorsqu’elle reste modérée. Elle permet dans ce cas d’accroître certaines performances et de faciliter la créativité. La personne se sent généralement en bonne forme, efficace dans ses activités et vive d’esprit socialement. Il n’y a pas de désorganisation grave du comportement ou du fonctionnement psychique. Cet état peut paraitre avantageux cependant cela reste pathologique avec un risque d’accès maniaque franc ou de dépression (virage de l’humeur) au décours. L’hypomanie est le repère clinique permettant de définir le trouble bipolaire de type II.
La Manie délirante
Dans cette forme le délire est différent de la fabulation ou des idées mégalomaniaque de la manie typique. La personne adhère totalement à ses idées délirantes en développant une imagination et une interprétation délirantes. Des phénomènes hallucinatoires sont également possibles. Le discours est classiquement riche en thèmes mégalomaniaques, érotomaniaques et messianiques. Le vécu délirant est prégnant avec une incapacité à le critiquer.
La fureur maniaque
Elle est marquée par une agressivité violente et donc dangereuse. Cette forme rare est une urgence psychiatrique tant du point de vue médico-légale que de l’important retentissement somatique.
L’état mixte
On désigne sous ce nom coexistence de symptômes maniaques et dépressifs lors du même accès. La personne vivra au même moment, ou dans une même journée, des émotions contradictoires. L’humeur est généralement très changeante allant de l’euphorie à la tristesse en passant par l’irritabilité.
Quels sont les critères diagnostics du trouble bipolaire ?
Les classifications internationales de référence sont la CIM-10 de l’Organisation Mondiale de la Santé et le DSM-5. Ces classifications se veulent athéorique et avaient initialement des fins exclusivement de recherches. Elles sont de plus en plus utilisées en pratique clinique.
Episode manique (DSM5)
Un épisode maniaque est défini comme une période nettement délimitée d’élévation de l’humeur ou d’humeur expansive ou irritable ou d’une augmentation de l’activité ou de l’énergie orientée vers un but.
Cette période doit durer au moins une semaine, être présente tout le long de la journée presque tous les jours ou moins si une hospitalisation est nécessaire.
Au moins 3 des symptômes suivants doivent être présents à un degré significatif et constituent un changement notable du comportement habituel (4 symptômes si l’humeur est seulement irritable).
- Augmentation de l’estime de soi ou idées de grandeur.
- Réduction du besoin de sommeil (se sentir reposé après seulement 3 heures de sommeil).
- Plus grande communicabilité que l’habitude ou le désir de parler constamment.
- Fuite des idées ou sensations subjectives que les pensées défilent.
- Distractibilité (l’attention est trop facilement attirée par des stimuli extérieurs sans importance ou insignifiants).
- Augmentation de l’activité orientée vers un but (social, professionnel, scolaire ou sexuel) ou agitation psychomotrice.
- Engagement excessif dans les activités agréables mais à potentiel élevé de conséquences dommageables (par exemple la personne se lance sans retenue dans des achats inconsidérés, des conduites sexuelles inconséquentes ou des investissements commerciaux déraisonnables).
- Les symptômes ne répondent pas aux critères d’un épisode mixte.
La perturbation de l’humeur est suffisamment sévère pour entraîner une altération marquée du fonctionnement.
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