1. Comprendre le trouble
Le DSM nécessite pour que le critère B du diagnostic soit rempli, la présence d’au moins un parmi deux symptômes sur une période d’un mois ou plus. A savoir la présence d’une anxiété anticipatoire ( crainte persistante ou inquiétude d’autres attaques de panique ou de leurs conséquences) ou de conduites d’évitements (changement de comportement significatif et inadapté en relation avec les attaques).
Les autres sont des critères d’exclusion, puisqu’ils impliquent l’absence d’une cause organique ou toxique à l’origine des crises (critère C), mais aussi que les attaques de paniques ne soient pas en lien avec un autre trouble psychiatrique (critère D).
Les symptômes.
Le diagnostic.
En se basant sur la définition du DSM 5, le clinicien devra donc retrouver l’association :
- De la survenue d’attaques de paniques inattendues, c’est à dire quelles vont se produire sans facteur déclenchant identifié et qu’aucune situation typique ne pourrait lui donner une caractéristique attendue comme dans une phobie. La fréquence des attaques de panique varie de manière importante selon les individus, c’est pour cela qu’elle n’est pas un des éléments retenu pour poser le diagnostic, mais il est clair qu’un nombre élevé de crises a fortiori rapprochées va être un argument d’orientation assez fort. C’est une des différences avec les définitions antérieures qui réclamaient la présence d’au moins quatre AP en quatre semaines.
- D’une anxiété anticipatoire centrée sur la survenue d’une nouvelle crise. C’est ce que l’on décrit comme « la peur de la peur ». Le patient va rapidement voir s’installer chez lui une forme d’hypervigilance vis à vis des sensations corporelles pouvant être évocatrices d’une nouvelle crise. Le traitement cognitif de ses informations est majoré puisque tout signe, même physiologiquement normal (par exemple une augmentation de la fréquence cardiaque à l’effort) pourra être interprété comme pathologique, il aura tendance à associer aussi la survenue des symptômes avec des situations et des lieux. Le niveau d’intensité est inférieur à celui d’une attaque de panique caractérisée, mais elle reste continue, ce qui va engendrer une souffrance importante et un handicap dans le quotidien.
- De conduites d’évitement vis à vis de situations ou de lieux qui auront été identifiés (à tort) par le patient comme étant à l’origine de la crise. Il cherchera à limiter la confrontation à ces situations. Auparavant on distinguait le trouble panique avec et sans agoraphobie, qui est une peur apparaissant lorsque l’on est confronté à certaines situations (lieux clos ou couverts, transports, foule ou file d’attente ; être seul hors du domicile), accompagnée aussi de conduites d’évitement. Aujourd’hui, l’agoraphobie est un diagnostic à part entière dans le DSM et n’est donc plus une spécification du trouble panique, mais peut être associée à lui.
On recherchera aussi à l’interrogatoire des comportements vicariants associés (effectués pour diminuer ou supprimer l’anxiété), car bien souvent les patients vont chercher à diminuer leur niveau d’anxiété avec des produits (tabac, alcool, anxiolytiques) ou en demandant de l’aide à des personnes de l’entourage qui auront alors des fonctions thérapeutiques (accompagnant dans la rue par exemple, qui dans leur esprit, pourrait intervenir en cas de crise). Le listing des modifications comportementales liées aux évitements devra être effectué avec précision, car bien souvent les patients banalisent le handicap qui en résulte. Il servira aussi de base de travail pour fixer des objectifs thérapeutiques personnalisés. Les antécédents personnels et familiaux de troubles anxieux auront une valeur d’orientation.
Fréquence du trouble panique.
Il est difficile d’estimer avec précision la prévalence du trouble panique (Nombre de cas de trouble panique dans une population à un moment donné ou sur une période déterminée, qui comporte aussi bien les nouveaux cas que les cas anciens). Les limitations méthodologiques sont certes nombreuses, mais les différentes études épidémiologiques retrouvent des résultats assez proches et comparables entre les pays.
L’épidémiologie des attaques de panique montre que tous les patients ayant été sujet à une AP n’auront pas les critères du trouble panique, c’est-à-dire qu’elles resteront isolées ou sous le seuil quantitatif estimé comme significatif de la pathologie.
A partir d’études épidémiologiques sur 12 mois, on estime que jusqu’à 3 % de la population nord-américaine répond aux critères de trouble panique du DSM 5. L’analyse de plusieurs études européens trouve une prévalence à 12 mois de 1.8 %, ce qui, ramené à la population européenne, correspond à environ 5 millions de personnes. Précédemment le DSM-IV séparait le trouble panique avec ou sans agoraphobie, nous disposons donc de données sur ces deux conditions en vie entière et sur un an. Mais des nouveaux résultats sont en attente d’une mise à jour du fait des changements conceptuels du DSM-5, car comme nous l’avons précisé, l’agoraphobie n’est plus une spécification (qui permettait de distinguer des sous types pathologiques) mais un diagnostic à part entière pouvant être associée au trouble panique. Les données de la National Comorbidity Survey Replication (NCS-R) pour la prévalence vie entière seraient 1,1 % pour le trouble panique avec agoraphobie, alors que pour le trouble panique sans agoraphobie, les chiffres sont plus élevés puisque l’on rapporte une prévalence vie entière de 3.7%. Sur une période de 12 mois, la prévalence de TP sans agoraphobie est de 0.6 %, alors qu’elle est de 1.6 % pour le TP avec agoraphobie. Si l’on en fait plus de séparation du fait de la présence ou non d’agoraphobie, les populations US présentent une prévalence vie entière de 4.8 %. Les données provenant de 142,949 sujets évalués dans 25 pays dans le monde (utilisation des critères du World Health Organization Composite International Diagnostic Interview version 3.0) retrouve un chiffre vie entière proche de 2 %, ce qui reste plus bas.
Pour les données socio-démographiques, on retrouve un âge de début plutôt avant 25 ans, mais la distribution de la prévalence du trouble est assez similaire pour les différentes tranches d’âge. Par contre, la survenue à l’adolescence serait prédictive de l’apparition de troubles de la lignée dépressive à l’âge adulte. Le sexe ratio est déséquilibré, puisqu’il est de 3 femmes pour 1 homme. Les études montrent surtout un taux de comorbidités très élevé, puisque plus de 80 % des sujets présentent un trouble associé ou plus. Les troubles de l’humeur et autres troubles anxieux sont sur représentés, mais aussi des pathologies addictives. Ces dernières peuvent avoir un impact sur la santé physique et être ultérieurement à l’origine de facteurs favorisant le maintien du trouble. En regroupant les deux formes de TP du DSM (avec et sans agoraphobie), Kessler retrouvait 61 % de troubles anxieux associés, 62 % de troubles de l’humeur et 32 % d’addictions (dont l’alcool).
L’analyse de la qualité de vie montre que les patients atteints de PD présentent une altération de celle-ci dans plusieurs domaines et qu’elle le reste même après un traitement adapté par rapport à la population générale : la consommation de soins est plus importante et plus fréquente, l’autonomie financière est touchée, les sphères familiale et conjugale sont aussi affectées et la santé physique perçue est moins bonne, enfin le fonctionnement professionnel est impacté.
Grant BF, Hasin DS, Stinson FS, Dawson DA, Goldstein RB, Smith S, Huang B,Saha TD. The epidemiology of DSM-IV panic disorder and agoraphobia in the United States: results from the National Epidemiologic Survey on Alcohol and Related Conditions. J Clin Psychiatry. 2006 Mar;67(3):363-74
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Davidoff J, Christensen S, Khalili DN, Nguyen J, IsHak WW. Quality of life in panic disorder: looking beyond symptom
2. Les chiffres clés
3. La neurobiologie
Données d’imagerie.
Les données d’imagerie structurelle retrouvent des anomalies de la substance grise au niveau de plusieurs régions qui témoignent d’une perte : le cortex Orbito-Frontal impliqué dans l’engagement émotionnel et la prise de décision, du Gyrus Temporal supérieur, de l’Hippocampe, de l’Amygdale et du cortex cingulaire antérieur et du Putamen. On retrouve aussi des anomalies de la substance blanche avec une diminution au niveau des aires préfrontales, limbiques, thalamiques et cérébelleuses. La connectivité entre différentes régions est aussi modifiée en particulier au niveau des aires préfrontales, corticales, occipitales qui témoignent donc d’un remaniement architectural.
En imagerie fonctionnelle, on observe des niveaux d’activations au repos différents par rapport aux sujets contrôles, avec des activités plus importantes entre l’amygdale et le précuneus (conscience de soi et mémoire) alors qu’elle est diminuée entre le cortex cingulaire antérieur (rôle majeur dans l’évaluation de la pertinence des informations émotionnelles et leur régulation) et les aires corticales. Pendant des taches spécifiques, on retrouve des niveaux d’activation plus importants dans de nombreuses régions, dont les régions préfrontales qui témoignent d’un traitement de l’information augmenté, ainsi qu’au niveau des structures limbiques dont on sait qu’elles constituent un « hub » des circuits de la peur. Celles-ci réagissent à la présentation d’images en lien avec les paniques. L’activité thalamique et celle du noyau caudé sont aussi majorées, de même que pour le tronc cérébral. On note par contre une diminution de l’activité du cervelet.
A partir de certaines techniques d’imagerie, on peut évaluer le fonctionnement des neuromédiateurs à partir du nombre de récepteurs détectés, des taux d’occupation. On a par exemple démontré que l’activité transporteur de la sérotonine qui participe à sa régulation, était diminuée dans les régions temporales et thalamiques, ce qui n’était plus constaté après rémission des symptômes. De même, l’activité du récepteur 5HT1a est diminuée dans les régions frontales, temporales, limbiques et le tronc cérébral, or ils ont une fonction importante dans la régulation de l’anxiété.
Le transporteur de la dopamine, voit son activité » augmentée dans le striatum qui est sollicité chez l’être humain lors de la présentation de stimuli aversifs, inattendus ou intenses.
On retrouve aussi des modifications fonctionnelles des récepteurs de benzodiazépine, qui sont des sites modulateurs allostériques sur les récepteurs GABA A (système inhibiteur impliqué dans la régulation de l’anxiété) il s’agit essentiellement d’une réduction de leur densité, dans la plupart des régions du cerveau sauf dans l’hippocampe. Les taux GABA (acide γ-aminobutyrique) circulants sont aussi abaissés dans les ces régions.
Maron E, Lan CC, Nutt D. Imaging and Genetic Approaches to Inform Biomarkers for Anxiety Disorders, Obsessive-Compulsive Disorders, and PSTD. Curr Top Behav Neurosci. 2018 May 24. doi: 10.1007/7854_2018_49
4. Cinq idées reçues
- L’angoisse c’est pour les faibles, ce n’est pas une vraie maladie.
Bien souvent, on peut entendre ce type de réactions de la part de l’entourage voire même de la part des patients sujets à des crises. Plus d’une personne sur quatre fera au moins une attaque de panique dans sa vie, ce qui ferait beaucoup de « faibles « dans » la population. Notre organisme et notre cerveau sont calibrés pour répondre aux événements qui surviennent et nous avons sélectionné des alarmes naturelles pour y répondre.
L’anxiété est un donc phénomène naturel qui, dans certaines circonstances peut devenir pathologique. La question d’être fort ou faible ne va pas régler le problème. Aujourd’hui nous avons de meilleurs modèles scientifiques de compréhension des troubles anxieux qui montrent qu’il ne s’agit pas de maladies imaginaires. Du fait de la stigmatisation qui touche la santé mentale, beaucoup de gens trouvent difficile - et même honteux - de reconnaître qu’ils éprouvent des symptômes.
- Si je suis malade d’anxiété c’est pour la vie.
La vision catastrophique de l’évolution d’un trouble est en soi un symptôme anxieux. Effectivement, si aucune démarche n’est effectuée pour prendre en charge le tableau clinique, l’évolution sera moins bonne et le risque d’installation durable du trouble plus élevé. Mais nous disposons d’un arsenal thérapeutique adapté et validé scientifiquement, qui, s’il est mis en œuvre change radicalement le cours de la maladie avec un taux de guérison élevé. De plus, toutes les personnes qui ont fait une attaque de panique n’en referont pas dans la majorité des cas, seule un proportion plus faible évolueront vers un trouble panique.
- C’est le début de la fin, cela va évoluer obligatoirement vers une pathologie plus grave.
Le trouble panique s’accompagne d’une augmentation de certaines cognitions anxieuses, l’inquiétude d’une porte d’entrée vers des maladies chroniques telles que la schizophrénie ou les troubles bipolaires sont fréquemment rapportés. On sait que le trouble panique est associé dans de nombreux cas à d’autres diagnostics , il s’agit rarement de troubles psychotiques. Le handicap et la souffrance liée au trouble lorsqu’il n’est pas traité peut être un facteur favorisant de dépression ou l’utilisation d’alcool et autres produits comme une forme d’automédication. Ce qui importe c’est donc de prendre en charge précocement le trouble.
- Je vois bien que je vais mourir pendant une crise
C’est la première information qu’il faut donner au patient. Malgré les apparences, on ne risque rien sur le plan physiologique. Il s’agit d’une interprétation erronée d’informations physiologiques qui en sont pas corrélées à une menace réelle pour le corps.
- Si je fais des crises, je dois limiter l’exposition à certaines situations.
Non !! Adopter ce type de pensée, c’est risquer de mettre en place insidieusement des conduites d’évitement. On associe à tort la survenue d’une crise avec un lieu ou une situation que nous allons alors chercher à éviter. Or le propre des crises dans le trouble panique, c’est qu’elles sont inattendues c’est à dire imprévisibles, sans lien réel avec l’environnement. On risque surtout de se restreindre au niveau du fonctionnement psychosocial, ce qui est source de handicap, mais aussi de favoriser l’émergence d’un cycle infernal où à l’approche d’une situation que nous estimons liés aux crises, la vigilance va augmenter avec la survenue de quelques signes d’anxiété qui vont être interprétés comme un début de crise qui va s’amplifier pour devenir une attaque de panique caractérisée. Cela aura juste comme autre conséquence de renforcer la conviction de lien de cause à effet.
5. Evolution des conceptions
Hier.
Étymologiquement, le mot panique dérive du grec « Panikos » (Πανικός), qui fait référence au dieu sylvien Pan. Dans la mythologie grecque, celui-ci était plutôt considéré comme effrayant et la notion de peur lui était donc intimement liée.
D’une part son aspect chimérique mi-homme mi-bouc qui lui valut d’être abandonné à la naissance par sa mère, pouvait susciter la peur chez ceux qui étaient censés le croiser et c’est aussi lui qui était responsable des bruits entendus au loin dans les montagnes et les forêts. On dit aussi que quiconque le réveillait provoquait en lui une colère extrême qui ne manquait pas de créer une grande frayeur chez le fautif. Mais il pouvait aussi, sans raison apparente et surtout pour s’amuser, apparaître brutalement auprès des humains qui s’étaient perdus dans les bois pour les terrifier. Il s’agit donc d’une figure allégorique de ce dieu qui « trouble les esprits » et qui provoque une frayeur sans fondement.
Si la notion de panique est restée longtemps liée à des phénomènes collectifs, c’est encore à Pan qu’on le doit. En effet, Pan est parfois assimilé au dieu des foules du fait de son aptitude à faire perde leur discernement aux humains lorsqu’ils étaient pris de panique. Plusieurs récits relatent des batailles où les ennemis des grecques avaient pris la fuite, effrayés et paniquées par un « grand bruit » qui serait le fait de Pan, ce dernier agissant en échange d’un culte à sa personne.
Rabelais parle aussi de Peur Panice dans Gargantua en 1534 pour désigner une peur intense, irrationnelle pouvant toucher les individus ou un groupe. Le terme sera introduit en anglais en 1603 (Panick qui deviendra Panic) alors que l’adoption en Allemand sera plus tardive au 18 eme siècle (Panisch).
On retrouve en Français des mots dérivés de panique tels que Paniquard pour désigner celui qui se laisse facilement envahir par la panique et Paniquer qui reflète l’action de prendre peur jusqu’à en perdre ses moyens .
L’acceptation par la communauté psychiatrique du terme attaque de panique est plus récente puisque c’est dans la troisième édition du DSM qu’une première définition est proposée. Auparavant, c’est la notion de crise d’angoisse aiguë qui prévaut. Le terme angoisse provient du latin angustia qui signifie « étroit » ou « resserrement », lui-même dérivé de ango (angere à l’infinitif) qui peut être traduit par « serrer » mais aussi « étreindre ou suffoquer ». Ces termes dérivés sont utilisés au niveau médical et décrivaient initialement des symptômes plutôt physiques que psychiques : l’angine et sa gêne au niveau des amygdales, l’angor (angine de poitrine) avec ses douleurs thoraciques et depuis moins longtemps l’angoisse psychique .
Notons qu’en français, on utilise donc deux mots issus de la même racine grecque: angoisse (ango puis anguista) et anxiété (anxio puis anxietas), alors qu’en allemand il n’existe que le terme angst (de angustia ) , enfin , en anglais c’est anxiety (de anxietas) qui est dans le langage courant alors que le mot anguish (de angustia) n’est pas référencé en psychologie.
Brissaud en 1902 a donc proposé une dichotomie entre l’anxiété, qu’il rattachait à des mécanismes plus cognitifs liés au soucis se traduisant par une sensation psychologique intense associé à la peur d’une catastrophe imminente et l’angoisse, phénomène purement marqué par les signes somatiques, sans éléments psychologiques associés . Cette position a été reprise par Levy Valensi dans les années dans son manuel posthume de 1948 et dans de nombreuse langues romanes, on retrouve l’opposition de termes dérives de ango et anxio
Comme le soulignait P Pichot cette classification était discutable et elle est maintenant en partie abandonnée car le mot ango était interprétable à la fois comme un phénomène physique ( la constriction) , mais aussi psychique (tourment) de part la conséquence de l’action précédente . En d’autres termes dans une logique hippocratique, le corps et l’esprit sont irrémédiablement liés et donc toute action sur l’un à un effet sur l’autre, et réciproquement. Ceci explique probablement pourquoi ces termes couvraient ces deux dimensions et n’avaient pas nécessairement besoin d’être explicités: la maladie du fait de son expression physique provoquait un désespoir intense chez le patient qui prenait alors conscience de son état.
A l’opposé, Littré dans son dictionnaire de médecine adopte un positionnement hiérarchique puisqu’il considère qu’il existe trois degré d’un même état. Il place alors sur un continuum d’intensité l’inquiétude (douleurs vagues, surtout aux jambes, qui donnent de l’agitation et de l’impatience) puis l’anxiété (état de trouble et d’agitation avec sentiment de gêne et de resserrement à la région précordiale) puis sa forme extrême , l’angoisse (sentiment de resserrement à la région épigastrique accompagnée d’une grande difficulté à respirer et d’une tristesse excessive) . Il s’agit cependant encore d’une conception très somatique, puisque ne sont pas abordées les conséquences psychiques de ses troubles.
Freud en 1895, alors qu’il travaille sur la neurasthénie, va isoler une entité qu’il va nommer la névrose d’angoisse. Il la décrit comme évoluant dans le cadre d’une « excitabilité générale » et étant constituée par l’association d’un état plutôt permanent d’anxiété assimilable à une attente anxieuse pouvant se rattacher à n’importe quelle situation ou objet et d’attaques de paniques. Le DSM I parle de troubles psychonévrotiques au sein desquels on trouve la réaction psychonévrotique anxieuse, lorsque les manifestations cliniques étaient diffuses et sans facteur déclenchant spécifique. C’est celle qui semble être la plus proche de l’attaque de panique contemporaine. Dans le DSM-II, les troubles psychonévrotiques sont désormais appelés névroses (neuroses en anglais), avec encore une place prépondérante pour l’anxiété. La névrose anxieuse (ou d’angoisse) était donc caractérisée par des préoccupations anxieuse excessives pouvant aller jusqu’à la panique et être accompagné de symptômes neurovégétatifs et somatique.
Pichot P ,The Semantics of Anxiety Hum. Psychopharmacol. Clin. Exp. 14, S22±S28 (1999)
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Aujourd’hui et demain.
La Stimulation Magnétique Transcrânienne répétée (SMTr ou rTMS en anglais) est une technique utilisée en psychiatrie, notamment dans le traitement de la dépression. Elle repose sur le principe de Faraday (un courant électrique dans une bobine de fil crée un champ magnétique) qui permet d’obtenir une dépolarisation cellulaire ciblée, magnétiquement induite. En pratique, la SMTr consiste à soumettre le sujet à un champ magnétique focalisé sur une région de la surface cérébrale (le cortex) par l’application d’une bobine au contact du cuir chevelu, qui se transforme en courant électrique focal. Dans le traitement des troubles anxieux la zone ciblée est actuellement le cortex dorsolatéral pré-frontal droit en basse fréquence (1 Hz), mais la revue cochrane de 2014, concluait que les données disponibles étaient insuffisantes pour statuer sur l’efficacité des rTMS dans cette indication, même si les résultats contre placebo étaient en faveur des rTMS actives. Ils recommandent donc d’effectuer d’autres essais avec des échantillons de plus grande taille et une méthodologie plus contrôlée. Une étude récente, utilisant un protocole haute fréquence sur le cortex préfrontal dorsolatéral gauche a montré une efficacité en cas de dépression associée.
Des nouvelles pistes pharmacologiques ont été explorées, en particulier pour développer des molécules agissant sur l’axe du stress ( modulation des récepteurs aux glucocorticoïdes, neuropeptide Y, système des récepteurs à la Cholécystokinine ), Ces nouvelles approches n’ont pas permis à ce jour de produire des thérapeutiques efficaces.
Le concept de « phénotype digital » décrit pour la première fois par Sachin Jain dans un article de la revue nature en 2015, repose sur la possibilité de caractériser la « signature digitale d’une pathologie » qui repose sur le recueil en temps réel des données du comportement humain et des marqueurs de leur fonctionnement avec des outils tels que le smartphone. A l’aide des nombreuses de nombreuses technologies qu’il comprend, tel que le GPS, l’accéléromètre ou les informations issues de capteurs périphériques il est possible de traiter informatiquement ces données . Couplés à des algorithmes d’intelligence artificiels ont peut même prédire des rechutes dans certaines pathologies. Aujourd’hui des équipes travaillent dans de nombreuses directions afin d’explorer des moyens d’évaluation, de prévention et de traitement des troubles. Le troubles anxieux, dont le trouble panique sont des pathologies d’intérêt.
Parmi les nouvelles technologies, l’utilisation de la réalité virtuelle comme instrument thérapeutique s’avère prometteuse dans le cadre du trouble panique. Des environnements ont été crées pour simuler les perceptions dites intéroceptives (modifications physiologiques au niveau des organes que le système nerveux central va analyser) qui sont présentes dans les attaques de panique: reproduction sonore de la tachycardie et d’une respiration forte ou saccadée, ainsi que des effets visuels, tels que la vision floue, la double vision et l’effet tunnel (réduction du champs de vision).Comme nous l’avons vu, ils sont interprétés par le cerveau comme une alerte d’un danger et déclenchent des attaques de panique. En exposant progressivement le patient dans un environnement virtuel contrôlé et en l’aidant à mieux interpréter ces phénomènes , on note une amélioration clinique. Pour l’agoraphobie qui peut être associée au trouble, des environnement spécifiques sont crées et vont être paramétrés progressivement pour désensibiliser les sujets par exposition contrôlée.
6. La prise en charge
Plusieurs praticiens peuvent être consultés dans le cadre de la prise en charge du trouble panique. Le médecin traitant va coordonner l’éventuel bilan somatique pour éliminer une cause organique, mais aussi orienter le patient pour sa prise en charge en cas de trouble panique.
La consultation peut se faire dans un centre Médico-Psychologique. Il s’agit de centres sectorisés, qui couvrent les soins d’une région géographique donnée (arrondissement, ville ou ensemble de villes). Certains hôpitaux universitaires proposent des consultations spécialisées pour les troubles anxieux Elle peut se faire également auprès d’un psychiatre ou d’un établissement libéral (non sectorisés) et/ou auprès de psychothérapeutes (psychologues, thérapeutes répondant aux exigences du décret n°2010-534).
Les Médicaments.
Le traitement pharmacologique de la prévention de la survenue des attaques de panique repose actuellement sur la prescription de molécules de la classe des antidépresseurs. Ce n’est pas le seul objectif puisque l’on cherche aussi à éliminer l’anxiété anticipatoire et les conduites d’évitement.
La dernière revue Cochrane de 2018, qui compare l’efficacité des antidépresseurs à une condition placebo conclue à une supériorité de ceux-ci dans le trouble panique. Plus de 41 essais randomisés contrôlés ont été analysés e qui représente environ 9400 patients. Les études randomisées assurent en théorie un bon niveau de preuve, mais les auteurs de la revue ont signalé que beaucoup d’études restaient de qualité moyenne et comportaient des biais de sélection probables. La taille de l’effet s’il restait modéré, était supérieur à celui du placebo (classiquement important dans les études sur les troubles anxieux) . L’analyse globale a mis en évidence un risque relatif de non réponse de 0.80 au traitement (le risque relatif mesure le risque de survenue d’un événement dans un groupe par rapport à l’autre). Ce qui signifie que le traitement par antidépresseur diminue le risque de non-réponse au traitement de 20% par rapport au placebo. Cette efficacité peut être rapportée à un nombre de personnes à traiter (NNT) de 7, ce qui signifie que pour 7 personnes traitées on observera une réponse au traitement. Les effets indésirables ayant provoqué des sorties d’études étaient plus fréquents dans le groupe traitement, le risque relatif étant de 0.88, cela correspond à une augmentation du nombre d’abandons de traitement de 12 %, soit un NNT de 27 (1 sortie pour 27 traités).
Le traitement médicamenteux préventif du trouble panique est indiqué dans les formes ayant un impact sur le fonctionnement psychosocial important et une altération de la qualité de vie du fait de la survenue de nombreuses crises et des symptômes associés (anxiété anticipatoire et conduites d’évitement). L’existence d’une comorbidité doit aussi être prise en compte dans le choix du traitement, en particulier en cas de trouble dépressif associé.
Du fait de leur profil de tolérance, les inhibiteurs de recapture sont recommandés en première ligne, alors que les tricycliques sont plutôt réservés en deuxième ligne. Les principaux effets indésirables des IRS sont les suivants: céphalées, troubles gastro-intestinaux, troubles du sommeil (insomnie ou parfois somnolence), troubles sexuels (baisse libido, anéjaculation ou éjaculation rétrograde, dysfonctionnement érectile), prise de poids, tremblements des extrémités. On peut observer une augmentation paradoxale de l’anxiété et une irritabilité. Les effets secondaires des IRSNA sont similaires à ceux des IRS mais comportent en plus une sécheresse des muqueuses (bouche++),des troubles digestifs à type de constipation , l’anorexie, une hyper-sudation et des troubles urinaires (rétention ou globe urinaire).
Classiquement, on débute à une posologie assez basse car il semblerait que ces patients soient assez sensibles aux effets indésirables qui dépendent de la dose. La titration se fait donc par paliers progressifs, souvent par des augmentations hebdomadaires pour atteindre les doses cibles (ce qui est classiquement moins rapide que dans la dépression). Les critères de jugement sont la fréquence des attaques de panique, mais aussi la disparition de l’anxiété anticipatoire et des conduites d’évitements. L’objectif est donc la restauration du fonctionnement antérieur. Le traitement sera maintenu dans la durée, au minimum 6 mois après l’obtention de la rémission, car on observe un taux de rechute assez élevé si la réponse n’a pas été consolidée. Il n’y pas à ce jour d’études à bon niveau de preuve qui permettent de déterminer la durée du traitement, le plus souvent l’approche est empirique et s’adapte aux cas individuellement. On prendra en compte l’ancienneté du trouble, la qualité de la réponse, l’existence ou non de symptômes résiduels ou d’un handicap.
Bighelli I, Castellazzi M, Cipriani A, Girlanda F, Guaiana G, Koesters M,Turrini G, Furukawa TA, Barbui C. Antidepressants versus placebo for panicdisorder in adults. Cochrane Database Syst Rev. 2018 Apr 5;4:CD010676. Doi: 10.1002/14651858.CD010676.
Les psychothérapies.
Il existe un grand nombre de thérapies et d’approches pour la prise en charge des troubles psychiques. Certaines psychothérapies sont cependant plus spécifiques au trouble panique où on été validées par des études scientifiques dans cette indication. Le propos n’est donc pas de discriminer les autres techniques mais de donner des indications reposant sur des données acquises de la science. Étant donné la nature du trouble qui se caractérise par des pensées dysfonctionnelles ou irrationnelles que le patient ne peut contrôler et des comportements d’évitement, les thérapies comportementales et cognitives ont été largement évaluées dans le trouble panique. Elles peuvent être proposées en première intention avant un traitement pharmacologique, en l’absence de comorbidité dépressive.
Elles reposent sur des programmes structurés dans le temps (entre 12 et 14 séances en moyenne, mais il existe des modules plus courts de 5 ou 6 séances) ayant pour but un contrôle efficient des symptômes et de diminuer les conduites ou comportement pathologiques qui en découlent (en particulier les évitements situationnels). Leur efficacité dans le temps a été mesurée et on conserverait ses bénéfices après une réponse thérapeutique au moins deux ans. Elles regroupent plusieurs techniques telles que la relaxation ou la cohérence cardiaque, avec des techniques adaptées de respiration. Mais aussi des processus basés sur l’exposition , soient aux sensations qui inaugurent une crise afin d’apprendre à les maîtriser, ou aux situations évitées et considérées par le patient comme dangereuse ou à l’origine du déclenchement des crises. Ceci se fait en répétant l’exposition par paliers progressifs. Le volet de psychoéducation est important et permet aussi de mieux contrôler les symptômes : connaître la nature du trouble, sa physiopathologie, les techniques de gestion des crises et l’absence de risque vital sont des éléments indispensables à la prise en charge.
Alors que cette approche est très centrée sur les symptômes, ancrée dans le présent et orientée vers le futur, d’autres techniques spécifiques interrogent le passé des patients. La psychothérapie psychodynamique centrée sur la panique (ou Panic-Focused Psychodynamic Therapy (PFPP)) conserve une approche plus psychanalytique et recherche des motifs inconscients ou psychologiques en lien avec le passé pour expliquer l’émergence des attaques de panique. Cette méthode cherche donc à avoir accès aux processus inconscients pour diminuer l’intensité des symptômes.
Les thérapies méditatives dites en « pleine conscience » ont aussi été proposées dans le trouble panique, seules ou en association avec un traitement pharmacologique et ont montré une efficacité dans l’atténuation des symptômes physiques, mais aussi de certaines croyances, en particulier l’intolérance à l’incertitude qui implique la tendance à réagir négativement sur le plan cognitif, émotionnel et comportemental aux situations et événements pouvant être considérés comme incertains. Nous disposons cependant de moins d’études.
Les thérapies de groupe permettent une prise de conscience du caractère répandu du trouble, donc de favoriser son acceptation . De plus , elles montrent que le sujet ne vit pas une expérience unique, ce qui peut l’aider à sortir d’un isolement souvent majoré par les conduites d’évitement La confrontation au groupe permet de trouver des solutions potentiellement adaptées à soi parmi celles exposées lors des séances, mais aussi d’améliorer éventuellement l’estime de soi.
L’hygiène de vie.
Il faut de toute évidence éviter ou diminuer les stimulants et excitants tels que le café, qui peut augmenter les signes physiques et aussi l’hypervigilance. Tous ne sont pas égaux devant la caféine, puisqu’il existe des métaboliseurs lents, c’est à dire des sujets qui dégradent plus lentement la caféine et par conséquent des doses plus faibles vont avoir les mêmes effet.L’activité physique régulière a des propriétés sur la régulation de l’anxiété. L’exercice physique a montré un impact positif sur la qualité de vie, mais aussi sur la symptomatologie elle-même dans la majeure partie des études avec un bon niveau de preuve.
L’activité semble cependant devoir être pratiquée régulièrement et surtout avec une intensité non négligeable pour qu’un bénéfice réel et durable puisse être mesuré. Le maintien d’une bonne hygiène de sommeil : lever à heure fixe, une ou deux siestes de vingt minutes maximum dans la journée, pas d’exposition aux écrans dans l’heure qui précède le coucher, température de la chambre à coucher entre 17 et 18 degrés, utilisation d’un masque de nuit et de bouchons en mousse pour les oreilles si nécessaire améliorent de plus de 30 % la qualité du sommeil.
Lattari E, Budde H, Paes F, Neto GAM, Appolinario JC, Nardi AE,Murillo-Rodriguez E, Machado S. Effects of Aerobic Exercise on Anxiety Symptoms and Cortical Activity in Patients with Panic Disorder: A Pilot Study. Clin Pract Epidemiol Ment Health. 2018 Feb 21;14:11-25.